Le collier de tante Jeanine

Une femme seule à une table de café. Qu’est ce que çà peut bien faire ? Je ne sais pas pourquoi cela m’a intriguée. Au début, je me suis dis qu’elle attendait quelqu’un. Et puis, le temps a passé et elle est toujours là. Elle n’a rien de particulier et je ne sais pas pourquoi je m’intéresse à elle. Enfin, si je sais pourquoi.

Elle me rappelle ma tante Jeanine.

Celle qui n’était pas comme le reste de la famille. Tante Jeanine n’avait pas de mari et pas d’enfant pourtant elle était toujours coquette et joyeuse. Elle portait toujours le même collier. Un truc qu’elle avait rapporté de voyage. Un bijou qui aurait pu paraître étrange sur la plupart des gens mais à son cou il avait un petit quelque chose de mystérieux. Je n’ai jamais osé lui demander où elle avait trouvé son collier.

En fait si. Je sais maintenant. Le collier de tante Jeanine me faisait penser à un collier magique. Tribal et puissant. Et cette femme là, assise depuis deux heures devant sa tasse de thé portait un collier du même genre, magique, tribal et puissant. Il y avait comme une énergie qui émanait du bijou.

C’était peut être une sorcière ou une chamane qui revenait d’un voyage en Amazonie. Tante Jeanine avait aussi ces moments de solitude où elle paraissait être ailleurs, très loin de nous. Un genre de déesse féminine. Puissante et libre. Moi je n’ai jamais été bien loin, ni libre de vivre mon destin.

La dernière fois que je suis sortie de ce café c’était pour aller en Belgique au mariage de ma cousine. J’avais eu l’impression de partir à l’autre bout de la Terre. Les préparatifs et le trajet m’avaient parus interminables. C’est comme çà quand on ne part jamais. Le moindre déplacement nous paraît une expédition.

Tout le contraire pour tante Jeanine.

J’avais toujours l’impression qu’elle partait sur un coup de tête avec un sac aussi grand que celui que j’avais pris pour mes trois jours en Belgique. Sauf qu’elle revenait trois mois plus tard. Les yeux rêveurs, une mine à faire pâlir tous les marseillais et un sourire qui ne décrochait pas de ses machoires.

Le collier de la femme assise à sa table était en bois assorti de perles sombres de différentes couleurs. Leur transparence faisait penser à du verre ce qui contrastait avec le ton mat du bois foncé des autres pièces de la parure. Le bijou avait une élégance étrange. On le remarquait à coup sûr mais il ne faisait pas criard.

Je ne pouvais pas l’observer tout le temps avec les clients au bar qui s’installaient et les commandes des serveurs pour les tables et la terrasse. Dès que j’avais un peu de temps, mon regard se posait à nouveau sur la femme. A un moment, j’ai eu l’idée de regarder ses pieds. Je ne sais pas pourquoi. J’ai reçu un coup au coeur qui m’a ramenée vingt ans en arrière.

La dernière fois que j’avais vu tante Jeanine.

Elle portait son vieux pantalon de toile couleur kaki délavé, ses chaussures de marche et son vieux sac fabriqué dans un habile mélange de tissu coloré et de cuir râpé. J’adorais ce gros paquet qui était à l’origine de mon addiction pour les bagages en tout genre moi qui ne voyage pas.

Alors, cela a été plus fort que moi. Je n’ai pas pu m’empêcher de sortir de derrière mon comptoir. Je me suis dirigée directement vers la femme au collier sans écouter le client qui venait de me commander un café. Je me suis assise face à elle. Ce n’était pas tante Jeanine mais c’était bien son sac de voyage que cette femme avait à ses pieds. Il ne pouvait pas y avoir deux bagages pareils sur toute la Terre c’était impossible.

Sur le moment, j’ai vu un éclair de surprise dans ses yeux. Ce n’est que lorsqu’elle a regardé tout mon visage et mon cou qu’elle l’a reconnu. Elle a eu un grand sourire et m’a dit : c’est donc à vous que ma mère a offert son collier.

Je lui ai souri à mon tour en caressant le collier que tante Jeanine m’avait offert le jour où elle est partie pour la dernière fois. J’ai répondu : oui, je l’ai toujours gardé.

On a parlé jusqu’au soir.

On avait tellement de choses à se raconter. Quand les lumières du café se sont éteintes on est parties ensemble. Je ne pouvais pas continuer à ne pas vivre ce qui m’appelait si fort et qui revenait me chercher pour être moi aussi une femme libre et puissante.

Christine Lenoir

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